RINGLET Gabriel

Prêtre, écrivain, journaliste et universitaire, il a été professeur et vice-recteur de l’Université catholique de Louvain. Membre de l’Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique, sa vocation est intimement liée à l’écriture à travers, surtout, la rencontre entre l’actualité, l’Evangile et l’imaginaire. Un tissage qu’il développe plus particulièrement au Prieuré de Malèves-Ste-Marie en Brabant wallon (Belgique).

Il s’investit beaucoup dans l’accompagnement en fin de vie et encourage un dialogue approfondi entre les libres pensées.

Itinéraire spirituel

« La parole brulante et sensuelle ne m’a plus quitté »

J’aime beaucoup le regard que jetait un jour Francine Carrillo sur la vie spirituelle : « une manière de rester vivant pour plus large que soi » (Panorama, janvier 2006).

 En quelles circonstances et à quels moments devient-on « plus large que soi » ?

J’ai l’impression – mais vous voyez comme c’est subjectif – d’avoir pressenti quelque chose de cet « élargissement » en accompagnant mon père sur les jubés de ma petite enfance. Lui, l’artisan, le maître-maçon, ne chantait pas que sur les chantiers. On l’entendait aussi dans les petites églises de mon pays natal. En grégorien s’il vous plaît. Et j’aimais ! D’ailleurs, 20 ans plus tard, j’ai dirigé la chorale grégorienne du grand séminaire de Liège. Mais je sais aussi qu’au temps de Vatican II, ce papa de plus de 80 ans appréciait Mannick, Jo Akepsimas et Gaëtan de Courrège. Jamais l’ombre d’une idéologie dans ses choix. « Rien que la qualité quel que soit le répertoire » me disait-il. Elle a compté, dans ma vie spirituelle, cette balise-là.

Peu de temps après – j’avais 16 ou 17 ans – le collège, la jeunesse étudiante chrétienne et, déjà, l’actualité, le journalisme. La vie spirituelle, oui, mais à condition qu’elle écoute le monde. Qu’elle entende les poètes aussi. Merveille de découvrir Aimé Césaire, Georges Shehadé, Rainer Maria Rilke et, surtout, Léopold Sédar Senghor. Pas seulement pour ses femmes nues et noires. Même si je ne disais pas non ! Mais parce que ses chants d’ombre m’ont entraîné très tôt sur les sentiers brûlants du Cantique des Cantiques. A quoi tient donc une vocation !.

Car me voilà au séminaire. Pas question de renoncer à l’actualité. J’y suis entré pour ça ! Ni à la littérature. Mais une surprise m’attendait, heureuse : l’exégèse. La découverte, bouleversante et critique, du texte biblique.

En hébreu, pour le même prix. Et donc l’approche d’une parole brûlante et sensuelle qui ne me quittera plus. Merci à vous, professeurs de séminaire, qui avez osé nous labourer à ce point, loin des piétés de pacotille, parce que vous saviez que de futurs prêtres doivent traverser l’épreuve d’un feu redoutable.